jeudi 26 mai 2016

Froidefontaine, une fondation clunisienne en terre d'Empire.


L’actuelle église de Froidefontaine dédiée à Saint-Pierre est déjà située dans le Sundgau et manifeste les influences ottonienne. Sa fondation est due à Ermentrude veuve du comte Thierry de Montbéliard et sœur du pape Calixte II et de l’archevêque de Besançon. Cette haute personnalité décida de faire don de Froidefontaine à l'abbaye de Cluny en raison de la célébrité du lieu où un Saint-Maimboeuf fut assassiné à la fin du VIIIe siècle par des mécréants et fut enterré prés de la "froide fontaine". Le lieu généra rapidement un culte important en raison de nombreux miracles qui s'y produisirent.



L’édifice actuel amputé de sa façade possède une belle et sobre nef de quatre travées avec de grandes arcades en plein cintre reposant sur des piles monocylindriques à base octogonale. Il subsistent encore quelques chapiteaux dont seuls les tailloirs sont sculptés de motifs géométriques mais la plupart sont seulement moulurés et dépourvus de tout décor.




la nef est plafonnée et le chœur de plan oblong est voûté d’arêtes et s'accompagnait de croisillons partagés selon un parti adopté dans certaines églises rhénanes dont Saint-Pantaléon de Cologne.

L'abside est plus séduisante que la rudesse de la nef, et est ceinturée d'une corniche à cavet ponctués de dés et de crochets à tête humaine et une simple baie cintrée dans son axe. Peut être reconnaîtra-t'on dans l'un de ces impassibles visages celui du saint à l'origine de la fondation de l'église.




dimanche 22 mai 2016

Saint-Dizier l' Évêque; Un martyr et une pierre des fous .

Au cœur de l'actuel Territoire de Belfort à proximité de la frontière suisse la modeste église de Saint-Dizier possède encore quelques modestes traces de son passé roman en dépit de l'enlaidissement de sa façade et la reconstruction d'une église en style néo-gothique au XVIIIe siècle. Elle conserve cependant les bases de son clocher d'origine, l’ordonnance du vaisseau basilical roman un chevet pentagonal et une absidiole romane dissymétrique et de quelques chapiteaux cubiques fortement influencé par l'art alsacien





Mais son trésor le plus remarquable est les restes d'un mausolée octogonal dont on découvrit les fondations à la fin du XIXe dédiés aux Saints Dizier et Regenfrid, comprenant un sarcophage et un cénotaphe un loculus et des autels gallo-romains qui sont parmi les plus beaux exemples de la sculpture du Haut Moyen-Age dans la région.



La charte de donation de l'église à l'abbaye alsacienne de Murbach entre 735 et 737 évoque la légende du lieu qui veut qu'à l'origine existait une chapelle dédiée à Saint-Martin. Un évêque Dizier et son diacre y célébrèrent la messe en 670 et furent peu après leur départ assassinés par des brigands . Avant de mourir l’évêque aurait pu guérir un serviteur d'une blessure à la tête et manifester d’être inhumé dans ce lieu .

Le village devint très vite un lieu de culte très fréquenté et ce pendant tout le Moyen-Âge ce dont atteste la présence du cénotaphe dit "pierre des fous" en raison d'une ouverture pratiquée dans son socle où l'on faisait passer les aliénés en vue de leur guérison; et qui n'est pas sans rappeler le célèbre débredinoire de Saint-Menoux dans le Bourbonnais.

L'on peu encore admirer la force et l'habileté du sculpteur du sarcophage recouvert de feuilles enroulées et de coquillages et d'une croix entre deux arches à son extrémité.


Le cénotaphe est lui décoré d'un habile entrelacs de rinceaux sur l'une de ses faces et sur l'autre d'un décor géométrique de losanges et d'arcatures entre lesquels s'insinuent des vaguelettes et des feuillages et qui feraient presque penser à une toiture réinventée et qui témoigne de l'habileté du sculpteur du VIIIe siècle qui entreprit cette oeuvre émouvante et remarquable.



 On mentionnera que cette oeuvre autrefois située dans le chœur de l’église fut cependant " raccourcit" par un curé au XIXe qui la trouvait trop grande et empêchait le passage des fidèles...Il n'est pas inutile de souligner que nombre d'églises subirent ce genre d'outrages bien après la Révolution du fait même de leur plus "fidèles" et ignorants serviteurs .

mercredi 18 mai 2016

Quelques digressions sur l'art roman en Allemagne.

Il m'a semblé que ces prochains billets consacrés à la Souabe étaient l'occasion pour quelques remarques générales ou personnelles sur l'art roman en Allemagne qui reste un pays injustement mal connu ou négligé mais qui est pour moi un véritable chemin de découvertes souvent enthousiasmantes.
Réduire l'art roman à l'Allemagne actuelle est évidement une hérésie car il conviendrait de rétablir dans toute sa diversité l'art roman dans le Saint Empire. Mais le nombre considérable de monuments majestueux à découvrir suffira à la tâche.

Pour reprendre l'expression de Fernand Braudel l'on doit d'abord que cet art est de " longue durée". L'on admet volontiers que c'est avec les premiers empereurs saxons au Xe siècle que l'on doit parler d'art roman ou d'art ottonien qui se poursuivra au delà du milieu du XIIIe siècle alors qu'en France on est déjà à la floraison des grandes cathédrales gothiques.Mais que l'on ne s'y trompe pas il ne s'agit pas d'un art finissant mais bien d'un art roman dans la force de son expression.

Autre trait marquant , l'attachement pour des édifices de plan basilical avec de multiples déclinaisons des transepts; transept continu, transept bas, basiliques à croisées régulières ou sans transept qui sont la marque de l'attachement aux formes paléochrétiennes mais aussi au modèle impérial  ce qui peu laisser à penser à un certain conservatisme de l'art roman en Allemagne.

Il faut aussi noter une particularité singulière de l'art roman en Allemagne celle de de l'emploi du puissant massif occidental ou "Westwerk" souvent dépourvu de tout décor et en écho un goût certain  pour  "l'effet des masses" , des églises à doubles absides occidentales et orientales et les vastes coupoles ainsi que l'accumulation des tours des galeries extérieures et parfois des plans tréflés ou octogonaux...

Saint-Quirin de Neuss
Saint-Quirin de Neus
Sainte-Marie du Capitole Cologne

Ainsi le visiteur français sera t'il surpris de trouver bien peu de ces églises à façades harmoniques comme à Jumièges, Caen ou Reims mais surtout de ces églises à vaste chevet et déambulatoires et chapelles rayonnantes si caractéristiques à l'art français et aux modèles exportés par Cluny dans toute l’Europe du sud . Enfin on y trouvera bien peu de cette sculpture monumentale qui fascine tant les pèlerins de Vezelay, Moissac ou Conques enfin, les chapiteaux historiés sont également rares outre Rhin.
Avec l'usage aussi généralisé de la nef plafonnée et non voûtée, avec cependant quelques exceptions remarquables comme à Spire doit t'on pour autant conclure à une certaine unicité et même "pauvreté" de l'art roman allemand ?
Bien entendu il n'en est rien car l'on reste surpris par la grande variété des édifices des plus grandioses cathédrales au plus modestes chapelles ; mais aussi la puissance et l'harmonie d'un art roman qui sous l'influence d'un empereur très présent développe un sens évident de la majesté et de la grandeur . On est également séduit par le grands nombre d'objet liturgiques, sculptures sur bois, fonts baptismaux ou fontaines et parfois une certaines exubérance de la sculpture qui se libère au chevet des églises.
Saint Nicolas et Saint Médard Brauweiller
Saint-Géréon Cologne



Cathédrale de Spire
Cathédrale de Worms



Cathédrale de Worms




En tant que voyageur insatiable en "art roman " depuis des années, je dois cependant partager une impression que pourront ressentir d'autres voyageurs. En Allemagne les églises romanes peuvent paraître "neuves" et même, osons le mot factices tant elle sont restaurées systématiquement , ré-enduites, repeintes...Chaque pierre érodées semble avoir été remplacée par une copie ce qui ferait presque douter de leur authenticité qui n'est pourtant guère contestable. Il faut donc accepter de composer avec cette impression qui cependant permet d’appréhender  plus exactement ces édifices tels qu'ils devaient être à l'époque médiévale.
Enfin je tiens à souligner le grand plaisir du simple visiteur en Allemagne où les gens sont particulièrement accueillant et sympathiques, je ne mentionnerais ici que le gardien des clefs de l'abbaye de GrossKombourg qui a ouvert pour moi seul cette majestueuse église! Enfin et ce n'est pas négligeable pour qui sait chercher, l’hébergement et la table peuvent être exceptionnels et je conseille particulièrement ces multiples auberges que l'on trouve en particulier dans le massif de la Foret Noire qui redonnent un certain sens au voyage comme une forme de pèlerinage en terre de découvertes.

La plupart des billets que je partagerai seront renseignés de mes sources qui m'ont également aider a préparer le voyage. Malheureusement cette région de l'Allemagne est finalement peu renseignée les éditions du Zodiaque ayant eu la mauvaise idées de s’arrêter avant de couvrir totalement ce territoire à la Bavière et au Palatinat. Je me suis donc appuyé sur des sources anciennes mais fiables comme le livre de Harald Busch : " l'art roman du Saint-Empire" ou encore celui de Louis Grodecki: "L'architecture ottonienne" et enfin le très utile petit livre en allemand de Ehrenfried Kluckert : "Romanik in Baden-Württemberg" et quelques autres textes et livres épars trouvés sur place.





samedi 14 mai 2016

Découverte de la Souabe romane .

C'est un peu une gageure d'évoquer au XXIe siècle une ancienne province médiévale pour aborder cette nouvelle série d'articles autour d'un de mes périple de l'année dernière. La Souabe n'a plus guère d’écho en France mais bien d'avantage en Allemagne ou elle est traduite sous le nom de Schwaben et se retrouve encore dans quelques lieux que j'ai visité.

Il e semble cependant que ce vocable permet parfaitement d'illustrer ces visites. La Souabe est en effet à l'époque médiévale et surtout jusqu'au XIIe un territoire spécifique sous l'autorité d'un Duc des le Xe siècle jusqu'à la disparition de ce duché au XIIIe soit pendant toutes les périodes pré-romane et romane.

Le territoire de la Souabe est traversé à l'ouest par le Rhin mais déborde largement sur sa rive droite en actuelle Alsace mais aussi le Sundgau en particulier pour sa partie située actuellement au nord de la Franche-Comté. En Allemagne il correspond presque totalement à l’actuel état de Baden-Wurtemberg à l'exception de sa partie la plus septentrionale, enfin au Sud il englobe presque tout le Nord de la Suisse au delà du lac de Constance en particulier l'Argovie la Thurgovie, le Brisgau et le haut Danube. C'est donc un vaste territoire traversé par deux fleuves majeurs le Rhin et le Danube parcouru de vaste massifs forestiers et montagneux comme la Foret Noire les Jura français suisse et souabe: mais aussi fertile de grande plaines cultivées dés l'époque antique.

Ce grand territoire aujourd'hui partagé entre trois pays distincts à cependant eu une histoire commune fort longue. Pays Celtes puis Suève il fut conquis dés les première conquêtes romaines de Jules César, puis occupé à la fin de l'empire romain par les tribus des Alamands qui donnèrent leur nom à toutes cette région. Avec l'arrivée des Francs venus du nord et vainqueurs en Gaule le pays tout entier fut soumis par Clovis à la bataille de Tolbiac prés de Zulpich. Jusqu’à la fin de l'empire Carolingien la région perdra son autonomie jusqu'au Xe siècle.
Ce n'est qu'avec le démembrement de l'empire qu'un duc se proclame dans la région et se fait reconnaître par l’Empereur Henri Ier en 919. Le parachèvement de la reconnaissance de ce vaste territoire adviendra avec l'arrivée sur le trône impérial d'un prince de Souabe fondateur de la lignée du célèbre Frédéric Barberousse au XIIe siècle.

Il est impossible en effet de ne pas faire référence aux grandes familles princières qui ont guidé la destinée de ces régions, les Hohenstaufen mais aussi les Zähringen au sud de la Souabe eurent un rôle déterminant pour une relative unification ou du moins ce que l'on pourrait appeler un sentiment "d'appartenance". Mais déjà l’époque médiévale deux familles à la destinée plus illustre se remarquent les Habsbourg et les Hohenzollern . Il ne s'agit pas pour moi ici de relater dans le détail les tumultes des rivalités féodales et des successions dynastiques de ces pays, mais seulement de tenter d’illustrer que la notion de frontières est changeante et surtout de rappeler que certains territoires restent profondément marqués par leur passé. L'architecture romane de cette région en est aussi le  témoin .

De nombreuses influences religieuses, stylistiques et politiques attestent de l'importance de cette région, on peut en aborder les principales; celle de Byzance et de la proximité de la capitale carolingienne à Aix la Chapelle, mais aussi de la ville de Cologne très tôt "romanisée" . Au Xe siècle les empereurs saxons ou ottoniens prennent le relais et de nombreux édifices rapellent ce style qualifié souvent d'art roman ottonien. Au XIe c'est Cluny qui marque son influence dans la région en particulier par l'une de ses "filles" la congrégation d'Hirsau qui aura une importance déterminante. l'importance de ce mouvement monastique se poursuivra jusqu'au XIIIe siècle avec l'influence cistercienne.
 Ces mouvements ces influences parfois ces rivalités et ces conflits sont a l'origine d'un art roman en Souabe riche et original qui donne au voyageur français comme une touche d'exotisme et d'émerveillement et qui explique ces deux billets(un peu longs) en guise de préparation au voyage .

dimanche 1 mai 2016

Trésors des églises de l'Ain; Billiat

J'ai voulu ces pages consacrées aux églises romanes de mon département comme une forme d’intermède entre des séries d'articles pour des promenades plus longues. Et finalement où que l'on aille on part toujours de chez soit. Ce département qui n'est pas le plus riche pour l'art roman ne manque cependant jamais de me surprendre.

 L'église de Billiat dédiée à Saint-Pierre peu passer presque inaperçue sous son aspect très sérieusement remanié. Pourtant le petit village au bord du plateau du retord et dominant la haute vallée du Rhône est connue dés l'époque gallo-romaine.


L'église elle-même est mentionnée en 1198 et était située à proximité du château aujourd'hui disparu. Elle était une fondation de l'abbaye de Nantua et de son prieuré de Villes tout proche. La datation de l'édifice actuel est délicate en raison des nombreuses rénovations dont elle a fait l'objet, mais il est admit que la croisée du chœur sous le clocher est romane ainsi qu'une fenêtre nord et peut être la large abside en hémicycle a -t-elle reprit l'abside originelle .


L’église conserve également des traces de fresques gothiques du XIIIe extrêmement naïves dans une chapelle sud , découvertes lors de la dernière restauration.



Mais le véritable trésor de ce petit village est la délicieuse gardienne des clefs de l'église, Madame Blanc qui accueille le visiteur de ses pétillants yeux bleus et rieurs et vous racontera si vous en avez le temps l'histoire du village, de ses habitants qui se démenèrent pour sauver leur église de la destruction; d'un de ses curé fantasque, rescapé des camps de concentration après le deuxième conflit mondial. Il n'y a pas de plus grand plaisir que ces rencontres inopinées et chaleureuses .